Dans une famille, il y a empathie et empathie…



Ah ! L’empathie… Qualité d’être précieuse entre toutes pour partager le quotidien d’autres personnes. L’empathie : cette capacité à coller au plus près de la réalité de l’autre – sans pour autant y plonger tête baissée – ; cette volonté de prendre soin de la relation en laissant un espace-temps précieux à l’autre, où il puisse s’exprimer pleinement, sans crainte de jugement.

L’idéal est beau, et le quotidien… un formidable terrain d’entraînement ! Chaque jour, mille et une situations nécessiteraient de notre part une bonne dose d’empathie. Parfois on y arrive… et parfois pas. Parfois elle s’enclenche naturellement ; parfois on doit respirer un bon coup et d’abord activer sa volonté de se montrer empathique avec l’autre. Parfois on commence à pratiquer l’empathie et on aboutit au soulagement de l’autre ; parfois on décroche en cours de route : trop ardu ce jour-là, ou un autre enjeu se présente et nous en détourne…

Puis, au sein d’une famille, il y a la personnalité de chacun – qui va forcément affecter notre manière de répondre à un « appel d’empathie ». En général, une personne (adulte ou enfant) qui a besoin d'empathie va le faire sentir par des manifestations d'inconfort plus ou moins marquées. Le cas de figure où une personne nous demande clairement : « Pourrais-tu, s’il-te-plaît, me donner un peu d’empathie pour m’aider à y voir plus clair en moi ? » peut se présenter... mais il est vrai que cela reste assez rare. Avec les enfants, vifs et spontanés, pleinement dans le moment présent, les appels d’empathie se font davantage entendre sous forme de colères soudaines, de pleurs, de grands cris d’injustice… et aussi d’attaques verbales – ou de coups – à notre égard. Et là, il est souvent nécessaire de respirer un bon coup (ou deux ou trois), pour retrouver la conviction intime et l'énergie qui nous aideront à enclencher le processus empathique.


Ainsi, ma fille qui rentre un jour de l’école juste… « infernale », dira-t-on. Elle me rabroue et m’engueule sur tout. Bien que me sentant malmenée, j’essaie d’enclencher l’empathie, de reformuler, de questionner avec doigté ce qui pourrait coincer. Elle reste bloquée dans son trip – en l’occurrence, aller tout de suite rechercher son plumier oublié à l’école – ; et moi je ne veux pas accéder à sa demande. On s’enlise, malgré toute ma bonne volonté. A un moment, j’utilise le « coup de patte girafe », le « stop ! » ferme et bienveillant. Elle explose de plus belle… Je me retire un moment dans une autre pièce, tâchant de prendre soin de moi pour ne pas rentrer dans une escalade. On se rejoindra un peu plus tard… et elle s’écroulera, en larmes, dans mes bras. Elle évacuera tous ses stress et contrariétés de la journée (bien au-delà de l'histoire du plumier) en pleurant. Et là, à partir de ce moment-là uniquement, je pourrai lui offrir de l’empathie, et cela lui amènera un soulagement. Avant, il était encore trop tôt : la tempête émotionnelle qui la traversait la submergeait au point de ne pas se laisser approcher.

Quand mon fils « appelle » un processus empathique, c'est souvent en râlant, en exprimant fortement sa frustration ou son agacement… Un peu plus âgé, et d’une tout autre personnalité, il mettra plus facilement des mots sur ce qu’il ressent, il embrayera en répondant « oui ! » ou « non ! » à mes reformulations d’écoute active, et étayera sans trop se faire prier ses propos. On arrivera bien souvent au nœud du problème, qui permettra le dénouement – par la parole ou une action. Par contre, avec lui aussi je peux coincer : quand il exacerbe un sentiment d’injustice, d’être victime… Je sature très vite. Question de sensibilité et de vécu personnels ! Je n’arrive alors pas à lui prodiguer de l’écoute empathique ; je touche à mes limites. 

* * *

Alors donc, la pratique de l’empathie en famille est bien souvent affaire de doigté, de flexibilité et d’expérimentation. L’attitude et les mots qui ont pu aider l’un ne seront pas (nécessairement) ceux dont l’autre aura besoin. Et ce qui a fonctionné une ou plusieurs fois ne nous aidera peut-être pas à chaque fois. Mais au-delà, ce qui est merveilleux dans la pratique de l’empathie, c’est d’en percevoir et ressentir les effets chez les autres membres de la famille. Quand nous voilà à notre tour en colère ou frustré.e, et qu’une petite voix pleine de sollicitude s’élève en disant quelque chose comme : « mmmh, Maman, tu es fâchée, parce que tu aurais besoin de plus de soutien ? » Dans de tels moments, non seulement le réconfort d’être vraiment entendu.e ne tardera pas à se faire sentir, mais en plus (et surtout…), on pourra se réjouir intimement de cette qualité d’être manifestée par nos enfants. Puisse-t-elle leur rester et rayonner autour d’eux tout au long de leur vie !

Commentaires

Articles les plus consultés