Une atmosphère de printemps… au milieu de vacarmes incessants

J’aime ce moment de l’année où l’on guette et savoure les premiers jours qui font éclater, presque subitement, une atmosphère de printemps dans nos contrées… C’est comme si on avait oublié : la vraie chaleur du soleil, les chants à tue-tête des oiseaux, les points verts sur les arbres : bourgeons bientôt feuilles, les tapis de perce-neiges… C’est comme si on avait oublié ; une seule urgence s’empare alors des amoureux·ses de la nature et du dehors : sortir, savourer, écouter, se taire, contempler, sourire à la vie qui éclot, rejaillit, triomphe…

 

La vie qui éclot, rejaillit, triomphe ? Je voudrais y croire. J’y crois un moment. Puis je suis vite rattrapée : les vacarmes des machines, incessants. Dès que les premiers signes du printemps arrivent, il n’y a pas que les vivants qui se réveillent. Les destructeurs aussi ! Leurs machines bruyantes débarquent, envahissent notre cadre de vie, nos espaces visuels, sonores, boisés, naturels, normalement paisibles… Pourquoi ? Couper, démolir, broyer, détruire, aplanir, bétonner…. En ces jours de fête de la nature qui repart au sortir de l’hiver – qui n’est d’ailleurs pas encore achevé –, une migraine persistante traduit mon irritation, ma désespérance face à cette gestion tellement patriarcale, guerrière, destructrice de nos espaces et de notre quiétude.

 

La destruction du vivant route du Tonnelet, face à la source (février 2023)
 

La vie qui éclot, rejaillit, triomphe ? Je voudrais y croire, tellement y croire ! Que la préservation et la célébration de la vie pourrait être une réelle option, une réelle vision collective, un réel projet politique. La valeur de la vie, multiple : humaine, végétale, minérale, animale… Belle, variée, complète, surprenante… arbres, oiseaux, talus, ciel, étoiles, ronces, noisetiers, ruisseaux, chemins de terre, cerisiers du Japon en fleurs, forêts, hêtres, pins sylvestres, crocus, écureuils, roches, chevreuils, Fagne… Calme, recueillement, reconnaissance, célébration, déférence, respect du vivant !

 

Ma migraine d’irritation et de désespérance se nourrit aussi des dossiers d’urbanisme en cours. Spa, combien de temps encore patrimoine mondial de l’UNESCO, à partir de quand exemple mondial de destruction du vivant ?

 

Ces jours-ci, une horde de machines sont à l’œuvre route du Tonnelet, à deux pas (en face) de la source : elles rasent tout, dans un de ces vacarmes qu’elles seules savent produire, en toute impunité. Plusieurs hectares, rendus depuis de plusieurs années à la nature, qui grouillaient de vie. Un biotope heureux et plein de quiétude pour tout le vivant qui s’y développait, s’y épanouissait, s’y reproduisait, loin des regards, de la gestion, de la destruction des hommes. Il ne restera plus rien, tout doit disparaitre ! À la place : des pelouses plates et uniformes, de l’asphalte, du béton, des logements neufs, des grillages, des voitures… L’antithèse de la vie.

 

La destruction du vivant route du Tonnelet, face à la source (février 2023)


La semaine passée, l’enquête publique pour la « traversée de Spa » s’est clôturée ; il nous a fallu réagir, écrire, nous insurger. Une place Royale aussi désespérément coupée de la vie, abstraite et conceptuelle, à mille lieux de la vie, de l’écologie, de la convivialité ? Nous n’en voulons pas. Nous l’avons fait savoir. Nous verrons ce qui s’ensuivra…

 

Il nous faut aussi continuer, nous remobiliser, pour un autre terrible projet écocidaire : l’avenue Amédée Hesse. Encore de la bétonisation, pour des « flux de piétons » et des « flux de cyclistes »… Encore des arbres coupés. 20 arbres sauvagement abattus. Des arbres vivants tués pour faire place à des flux humains. Et pourquoi pas des flux humains qui contourneraient les arbres vivants ? Pourquoi pas des hordes d’arbres prioritaires, face auxquels les flux humains se feraient discrets, respectueux, admiratifs… ? Des encorbellements sont prévus, surplombant le Wayai. Encore une idée techniciste, artificielle, inutile. Et pourquoi ne pas faire sauter l’asphalte ? Pourquoi ne pas recréer des sentiers en terre, qui caracolent, invitent à la promenade non pas rapide, mais lente ? Plus larges par endroits, plus étroits à d’autres. Il en a toujours été ainsi… Jusqu’à ce qu’un aveuglement rageur, une folie destructrice s’emparent de certains hommes et de leurs machines, entendant dompter, couper, faire table rase et s’imposer.

 

Ces hommes, les destructeurs, les décideurs entendront-ils que s’ils dominent, ils ne représentent pas pour autant l’avis dominant ? Quand ces hommes, les destructeurs, les décideurs apprendront-ils à se poser, le temps d’un instant, au pied d’un arbre, au creux d’un sentier, en bordure d’un ruisseau, pour tenter de saisir ce qui ne s’explique, ne s’intellectualise, ne se construit pas ? ce qui agit, sans répit, et avec un tel éclat, dans tout le vivant qui nous entoure… tout le vivant qui nous englobe… tout le vivant dont nous participons ? Tout le vivant : à préserver urgemment.

 

De manière moins poétique et très pragmatique : l’enquête publique pour la création d’un cheminement cyclo-piéton avenue Amédée Hesse, dossier SPA/D.IV.22/2022/005, se clôture le 22 mars 2023. « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ! ». Dont acte : à Spa, aussi…

 

Puisqu’il faut changer les choses
Aux arbres citoyens !
Il est grand temps qu’on propose
Un monde pour demain*

 

(14 février 2023)

 

* Extrait de la chanson « Aux arbres citoyens » de Yannick Noah (paroles : Cyril Tarquiny)

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