Quand l’écrit surgit et enrichit la relation
Elle n’est pas encore (franchement) allée à l’école ;
elle a bientôt sept ans : ma fille. Ces derniers jours, manifestement
suffisamment à l’aise avec les lettres et les sons associés, elle se lance et
produit de plus en plus d’écrits. Autonome et spontanée. Pour écrire un petit
mot d’amour ; pour prendre la commande des boissons à l’apéro ; pour
afficher un avis sur la porte de sa chambre… Sur un post-it, sur une feuille
A4, sur un coin de page d'un vieux journal.
Il vient d’avoir onze ans ; il a toujours été scolarisé :
mon fils. Ces dernières semaines, on lui a créé une adresse mail bien à lui, et
il est parti en vacances avec son papa. L’occasion de recevoir un
petit mail par-ci, des sms et une carte postale avec des nouvelles de la Côte d’Azur
par-là. Messages tantôt manuscrits, tantôt écrits sur un gsm ou un clavier d’ordinateur.
J’adore ! J’adore voir l’écrit enrichir le quotidien,
leurs jeux et notre relation (parfois à distance). Il est vrai que j’affectionne
particulièrement l’écriture ; ainsi, dans ma vie de tous les jours, il n’est
pas rare que je glisse quelques mots par écrit : pour moi, pour mon homme,
ou pour eux mes enfants. Si je pars tôt boulotter - quittant la maison avant leur réveil -, je laisse
souvent un ou des petits mots et dessins doux sur la table du déjeuner. Un petit bout de
moi ; l’assurance que je pense à eux et que je les aime, où que l’on soit.
Alors, quand l’écrit surgit, de leur côté aussi, et enrichit d'une toute nouvelle manière notre relation… j’apprécie et je profite. Ravie et touchée de découvrir un lundi matin, alors qu’il
est à l’école, le premier mail de mon fils rédigé la veille au soir pour faire
un essai de sa nouvelle boîte mail… Ravie et émue de recevoir un bouquet très personnel
de ma fille, bricolé, peint et enrichi de petits mots d’amour entourés de plein
de cœurs… Ravie et enthousiasmée de les voir, chacun à sa façon, s’emparer de l’écrit
pour me dévoiler des petits bouts d’eux, de leurs sentiments, prenant eux aussi
activement soin de notre relation.
Dans ces moments, magiques et précieux, une seule ligne de
conduite à mon avis : ne jamais (jamais !) céder à la petite voix en nous
(mais qui n’est pas nous…) qui
voudrait nous pousser à corriger l’orthographe, à saisir l’occasion pour
expliquer à sa plus jeune que « boisson » s’écrit « B O I SS O N »
et pas « B OU W S O N »… Ou remercier son aîné pour son petit mail,
tout en soulignant au passage que « tous ira bien » s’écrit en fait « touT
(avec T : dans ce cas, c'est un pronom, donc invariable...)
ira bien »… Non ! Dans ces moments, sachons oublier l’orthographe et la
grammaire, au profil d’une seule attitude : juste savourer, apprécier,
saluer l’expression libre et spontanée. Pépites de leur enfance et de ce qu’ils
nous dévoilent ainsi de leur personnalité. Cadeaux et témoins (à conserver, en plus !) de ce qu'ils sont et aiment. Précieux mouvements de l’enfant vers
l’écrit, dans le plaisir et l’autonomie. L'orthographe et la grammaire peuvent toujours attendre et s'apprendre... Tandis que le plaisir et la joie d'écrire et de communiquer se préservent et se cultivent autant et dès que possible !
« G T M » : il n’y a pas que les ados qui utilisent
ce raccourci pour écrire « je t’aime »… Ma fille aussi – sur un
post-it, à mon intention, avec son orthographe phonétique. Bientôt sept ans, et bientôt l’école. Puisse celle-ci
ne jamais (jamais !) brimer son envie et sa spontanéité à user de l’écrit
pour s’exprimer et enrichir sa relation aux autres…
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